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L'écriture inclusive, ce n'est pas que le point médian

Partie 3 sur 4 : El famoso point médian

J’ai décidé de faire un article complet sur le point médian, non pas car j’ai une passion particulière pour même si j’avoue avoir une petite jubilation à l’utiliser (et qu’il est fortement pratique à utiliser), mais car il est le centre de beaucoup de critiques, idées reçues et paniques !

Pour commencer, définissons ce qu’est le point médian : il s’agit simplement d’une abréviation ou convention typographique pour signaler les deux formes d’un même mot. Développeur devient développeur·euse.

On l’utilise pour les mots très proches au féminin et au masculin comme employé·e, étudiant·e, directeur·ice ou encore appliqué·e.

Si on utilise au pluriel, on ajoute simplement un s au suffixe féminin, pas la peine de rajouter un second point médian.

schéma expliquant la structure : racine du mot + suffixe masculin + point médian + suffixe féminin + marque au pluriel

Comment prononcer à l’oral ?

De la même manière qu’à l’oral, on ne dit pas “m majuscule point” pour M. de monsieur, on ne prononce pas “étudiant point médian e”. À l’oral, nous allons simplement déplier les deux termes et utiliser la formulation fléchie étudiante et étudiant.

Pourquoi le point médian plutôt qu’un autre signe ?

On voit régulièrement l’usage d’autres signes en remplacement du point médian, voyons pourquoi ils ne sont pas adaptés à cet usage. Attention, il ne s’agit pas d’interdire, suivant le contexte, ces moyens peuvent très bien être pertinents !

Les parenthèses ()

En français, l’usage de parenthèse est utilisé pour indiquer un propos secondaire.

Le choix des parenthèses pour forger des mots génériques témoignait d’une absence de réflexion sur le sens de ces signes, tout en révélant trop limpidement comment l’égalité des sexes est souvent conçue : un fauteuil pour Monsieur, un strapontin pour Madame Page 10 du “Le langage inclusif : pourquoi, comment ?” Éliane Viennot, 2018

On évitera les passionné(e)s et autres auteur(ice)s.

Longtemps utilisé sur nos cartes d’identités a figuré le “né(e) le”, sur les nouvelles cartes il n’y a pas été remplacé par un “né·e” mais plutôt par le terme épicène date de naissance, ce qui vous en conviendrez, donne la même information.

Le E majuscule

L’usage du E majuscule peut être considéré comme une considération différente entre féminin et masculin. Aujourd’hui, on retrouve davantage cet usage dans la littérature militante anticapitaliste comme par exemple dans cet extrait du texte Pour en finir avec les violences sexuelles et sexistes, organisons-nous pour changer la société ! du NPA Les violences de tout type sont aggravées pour celles et ceux qui subissent de multiples oppressions : les femmes racisées, les migrantes, les trans, les lesbiennes, touTEs celles et tous ceux qui ne se conforment pas à l’ordre patriarcal…”

Le point final

Le point final est un caractère qui indique la fin d’une phrase. Il s’agit d’une convention grammaticale stabilisée. Suivant son contexte d’utilisation comme par exemple sur les réseaux sociaux, il pourrait être confondu avec une URL.

“Une école d’ingénieur.es indiquait fin 2018 dénombrer 30 % de candidatures féminines en plus ! “ingénieur.es” apparait en tant que lien.

Le point médian a l’avantage aujourd’hui de ne pas avoir d’autres usages : il est consacré à l’écriture inclusive.

Revenons à présent sur un certain nombre d’idées reçues.

Oui mais la lecture est gênée par le point médian

Argument régulièrement entendu et notamment avancé par l’Académie Française, il n’est pas pour autant aujourd’hui prouvé.

En 2007, Pascal Gygax et Noelia Gesto ont réalisé une étude au cours de laquelle ils ont fait lire à un panel différents textes où ils ont féminisé des noms de métiers avec différentes techniques : épicène, double flexion, usage d’un tiret (que l’on identifie comme point médian).

L’étude a révélé que la lecture ralentissait à la première occurrence puis qu’elle reprenait une vitesse normale dès la seconde. Elle affirme que la féminisation des noms de métier [...] ne pose pas de problèmes de lecture. Cette seconde remarque va à l’encontre des craintes avancées par l’Académie Française.

Dans un usage raisonnable, on peut donc penser que l’usage du point médian n’apporte pas de gêne à la lecture

Bien entendu, vous pouvez vous sentir gêné au début si vous n’avez pas l’habitude, cette gêne devrait diminuer rapidement avec le temps. N’oubliez pas que vous n’êtes pas une statistique et que votre ressenti personnel ne fait pas preuve de généralité universelle.

Les dyslexiques n’arrive pas à lire avec le point médian

Première chose : laisser les personnes dyslexiques tranquille ! Elles ne vous ont rien fait et ne méritent pas de servir de caution pour vos élucubrations quand le reste du temps, le handicap, vous vous en fichez !

Passez ce petit coup de gueule, continuons.

Pour commencer les différentes conventions de l’écriture inclusive sont compatibles avec les troubles dyslexique car elles ne modifient en rien les règles grammaticales ou syntaxiques.

Ensuite, bien entendu, l’usage de formulations abrégées avec le point médian interroge. Il s'agit surtout d’un débat beaucoup plus complexe que le traitement habituellement fait.

La question que pose Pascal Gygax (psycholinguiste) et Leslie Weber (étudiante en psychologie) à ce sujet est quelles caractéristiques de la dyslexie amèneraient à des difficultés de lecture de formes abrégées ?”

Pour répondre à cette question, revenons sur ce qu’est la dyslexie.

En 1993, l’OMS reconnaît la dyslexie comme handicap et la définie comme :

une difficulté durable d’apprentissage de la lecture et d’acquisition de son automatisme chez des enfants intelligents, normalement scolarisés et indemnes de troubles sensoriels ou psychologiques préexistants

Il s’agit d’un dysfonctionnement cognitif indépendant de l’environnement social, culturel ou éducatif (bien que les effets de l’environnement de soient pas neutre). Une personne “dys” a des capacités intellectuelles normales et ne présente pasa de déficiences sensorielles (visuelle et auditive).

Aujourd’hui, même si il n’y a pas de consensus entre les différents organismes, on estime que 4 à 5 % des élèves d’une classe d’âge sont dyslexiques (chiffres de la Fédération Français des Dys). D’après l’OMS, il sagirait de 8 à 12 % de la population mondiale.

Ce qu’il faut avoir en tête, c’est qu’il n’existe pas un type de dyslexie, mais plusieurs avec chacunes leurs spécificités :

  • la dyslexie visuelle
  • la dyslexie par négligence
  • La dyslexie profonde
  • la dyslexie phonologique
  • la dyslexie de surface
  • la dyslexie mixte

Deux choses sont importantes : on ne guérit pas de la dyslexie. On peut apprendre à vivre avec, mais on reste dyslexique. Deuxièmement, elle peut provoquer de véritables souffrances. Le validisme de la société est vecteur d’exclusion (comme c’est le cas pour de nombreux handicaps).

Vous ne savez pas ce qu’est le validisme ? Le Robert le définit comme “Système faisant des personnes valides la norme sociale. Par extension Discrimination envers les personnes en situation de handicap”.

J’aime également cette autre définition donnée par le CLHEE (Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation)

le validisme se caractérise par la conviction de la part des personnes valides que leur absence de handicap et/ou leur bonne santé leur confère une position plus enviable et même supérieure à celle des personnes handicapées

Je vous invite à lire cet article de Sud Éducation : Le validisme, qu’est ce que c’est ? Comment le combattre au quotidien ?

Maintenant que nous avons le contexte de ce qu’est la dyslexie, voyons quelles sont ses caractéristiques et l’impact du point médian.

la conscience phonologique

Chez les personnes dyslexiques, la conscience phonologique, c'est-à-dire la capacité cognitive permettant de faire correspondre les phonèmes (les sons) et les graphèmes (lettre ou groupe de lettres) de manière consciente, est fortement déficitaire. Cette conscience nous permet de comprendre que le son /a/ (phonème) peut s’écrire a (graphème) et que la lettre a se prononce /a/. Ainsi, tout mot contenant des sons irréguliers sont compliqués à traiter et demandent un effort supplémentaire.

Un exemple souvent cité pour comprendre, est le mot oignon qui est composé de son irrégulier qui font d’abord lire le mot comme o-i -gue-non et demande un effort supplémentaire pour trouver o-n-i-on. Autre exemple basé sur mon expérience de dyslexique. Il m’a fallu écrire environ 30 occurrences du mot dyslexie pour arrêter de mettre un accent au premier e car j’entendais le son /é/… Faute qui me demande beaucoup d'efforts à maîtriser et que vous pouvez être sûr que je referais dès demain !

Autre caractéristique, les lettres ressemblantes sont souvent confondues et inversées. Souvent, le d et le p ou le é et le è.

Les personnes dyslexiques ont aujourd’hui de vraies difficultés avec les règles d'accords et l’orthographe très complexe et distante de la prononciation. Une nouvelle réforme de l’orthographe simplifiant le français aiderait beaucoup les dyslexiques.

La question est, est-ce que l’usage du point médian (forme inclusive abrégées) est tout aussi problématique que les difficultés déjà rencontrées ?

Comme le disent toujours Leslie Weber et Pascal Gygax “La réponse est délicate” !

  • Les formes abrégées ne s’écrivent pas comme elles s’entendent et ne sont pas vraiment comparables à la conscience phonologique. Il est tout aussi simple de lire auteur que la terminaison féminine autrice.
  • Les difficultés peuvent apparaître pour les féminins ayant la même prononciation que le mot masculin (comme élue par exemple).
  • Aujourd’hui, il n’y a pas de conventions claires sur la manière dont il faut rattacher les formes contractées, ce qui implique une forme d’opacité et pourrait amoindrir la conscience phonologique. On retrouve autant des tou·t·es que des tous·tes.
Pour faciliter l’usage de ce type de formes abrégées et les rendre plus simple d’accès, il faut élaborer des conventions claires et précises.
La conscience morphologique

La conscience morphologique (ou métacognition) est indispensable à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

“C’est la capacité : 1) de réfléchir et d’analyser la structure interne des mots en unités de sens (morphèmes) et 2) de manipuler explicitement cette structure interne. La conscience morphologique est donc la compréhension que peut avoir l’individu de la structure des mots en tant que combinaisons d’unités significatives qui les composent et d’en appréhender le sens global à partir des morphèmes.” définition dans la thèse de Marcelle Isabelle Taverne

Cette conscience nous permet de reconnaitre, manipuler la structure d’un mot d’en extraire le morphème, c’est à dire la plus petite unité de sens Par exemple, le mot chanteuses peut être décomposé en chant (le fait de chanter), euse (une présence féminie) et s (pour le pluriel). Certains mots sont plus simple à décrypter car composé de morphèmes connus, d’autres comme framboise ou dynamite sont plus complexe car les morphèmes sont plus compliqué à extraire.

Elle nous permet de “développer la compréhension de la structure et du sens des mots, et de faciliter ainsi l’orthographe, la compréhension et la lecture”.

Chez les personnes dyslexiques, on pense que le développement de la conscience morphologique est retardée en raison du déficit de conscience phonologique.

Une des critiques récurrente du point médian est qu’il fracture la morphologie des mots.

Chez les enfants dyslexiques et ceux non dyslexiques en apprentissage de la lecture, la conscience morphologique peut éventuellement manquer. C’est ce qui fait que lire un mot usant du point médian est complexe. En effet, il fracture le mot comme dans l’exemple lecteur·rice (racine lect présent dans lecteur et terminaison -rice). Le ou la lectrice doit reconnaitre les morphèmes éparpillés et de reformer la forme féminine.

Il est donc recommandé qu’avant d’avoir affaire à la forme abrégé du doublet, il faut que l’élève est déjà intégré les deux formes masculines et féminines du mot. C’est à dire, qu’il faut bien reconnaitre les mots lecteur et lectrice pour pouvoir comprendre lecteur·ice. Suite à cet apprentissage, les formes abrégées devraient activer spontanément les mots déjà enregistrés dans le lexique.

Cette fragmentation en morphèmes peut même faciliter la conscience morphologique de certaines personnes dyslexique car elle découpe clairement les morphèmes et permet de comprendre clairement et rapidement que l’on parle également de femmes.

Lors de l’apprentissage, les formes abrégées peuvent poser des problèmes, mais une fois la conscience morphologique stabilisée et entrainée, elle peut faciliter la lecture.

Pour résumer, la réponse dépend de chaque personne.

Je peux vous raconter mon expérience en tant que dyslexique vis à vie des formulations abrégées (avec point médian). Déjà, comme vous pouvez vous en douter, si je les utilise c’est qu’il ne pose pas de problèmes particuliers (en dehors de l’aspect “militant” de ce type d’usage). Quand je lis un mot usant du point médian, je vais tout d'abord voir qu’il est présent, ensuite je vais lire la première partie du mot (qui contient le sens) et ne pas lire la fin du mot. Car je sais que cette fin de mot fera référence à la fois au masculin et au féminin, je vois alors le mot comme un tout. Ainsi pour administrateur·rice, je vais lire consciemment administrat puis je saurai avec la présence du point médian qu’on fait référence à la fois à un administrateur et une administratrice (mots que je connais pour les avoir appris). Le point médian ne gêne pas ma lecture, bien au contraire, il m’aide à bien segmenter le mot pour le comprendre.

Il s'agit de mon expérience personnelle qui ne fait pas vérité. Elle explique simplement une réalité, celle où le point médian ne dérange pas une personne dyslexique. Tout comme pour d’autres, son usage peut être handicapant.

Ce qu’il faut retenir c’est qu’il faut user des formes abrégées de façon raisonnée (pas à chaque mot donc). Et éviter son usage dans des contextes à destination de personnes apprenant la lecture (enfants, personnes non francophones). Mais surtout, qu’il faut l’utiliser en prenant en compte la structure du mot afin de facilité la conscience morphologique.

Il ne s'agit pas d’un débat simpliste pour ou contre car il est comme on vient de le voir beaucoup plus complexe.

En 2021, Justine Bulteau a publié son mémoire De la nécessité d’étudier l’accessibilité des écritures inclusives aux personnes dyslexiques dans laquelle elle étudie l’accessibilité des écritures inclusives aux personnes dyslexiques.

Dans son travail de recherche, elle a récupérer des témoignages de personnes dys confrontés à l’écriture inclusive dont une professeure de lettre :

“Il y a quelques années, j'ai présenté aux élèves que j'avais en atelier quelques groupes nominaux écrits en écriture inclusive. Un instant de pause, puis les élèves eurent deux réactions: "Oui, j'arrive à lire" et "Il m'a fallu deux secondes, mais ensuite je n'ai pas eu de souci." Depuis, je propose cet exercice bref, afin de savoir. Il faut le dire : de toutes les élèves dys que j'ai eues à charge, aucune n'a mentionné être gênée par ce point médian, mis à part ce premier instant déstabilisant.(...)”

Ce témoignage reprend notamment les points évoqués plus haut dans la partie sur la gêne que le point médian peut générer.

On trouve dans ce second témoignage, celui d’une étudiante en informatique, différents éléments intéressants. D’une part, elle précise que ce n’est pas le point médian qui lui pose problème mais plutôt la mise en page et surtout qu’elle l’utilise !

L'écriture inclusive a pour but, à mon sens, à la fois d’inclure toutes les personnes indépendamment de leur genre ressenti, mais aussi à la fois de casser cette « règle » du genre masculin utilisé quelle que soit la majorité. Depuis que je l’ai découverte en lisant un article sur internet, je me suis mise à l’utiliser. Je la trouve respectueuse envers tous•tes (ou toustes) les lecteur•rices (ou lecteurices). De plus, elle était déjà utilisée dans certains documents administratifs. Par exemple, « Né(e) ou admis/admise » est déjà une forme d’écriture inclusive. Pour ma part, en tant que personne dys, l’utilisation du point médian ne me gêne pas plus que cela. En revanche, ce qui m’handicape et qui m’a posé problème tout au long de ma scolarité, c’étaient des consignes trop peu claires, des textes écrits avec des polices d’écriture comportant des empâtements (qui sont quelque chose de tellement ralentissant) ou des interlignes trop petits. (...) L’utilisation de cette écriture, indépendamment du caractère qui est utilisé, n’est pas un frein à la lecture pour moi, contrairement à la taille de la police, des interlignes, et des empâtements.

Son étude (que je vous invite à lire) a montré que

l’habitude aux écritures inclusives et le positionnement sur celles-ci d’un individu influence sur l’accessibilité. Plus une personne est favorable aux écritures inclusives et a l’habitude de les lire ou de les entendre, plus elle aura de la facilité à les comprendre et à les lire; et inversement.

Ce que l’on peut traduire par si vous êtes contre, vous aurez plus de difficulté que si vous y êtes favorable. À vous d’en tirer vos propres conclusions !

Elle conclut son étude par De plus, il est important de rappeler que cette étude montre aussi que la langue écrite française reste fondamentalement inaccessible aux personnes dyslexiques.

Dans son travail de recherche l’Écriture inclusive: obstacle infranchissable pour les personnes dys ? Synthèse d’une étude de lisibilité la graphiste Sophie Vela arrive à la même conclusion.

Dans son article Pour enfin faire rimer inclusivité et accessibilité. Recommandations pour les dessinateurices de caractères face à l’argument de l’illisibilité , elle conclut ainsi

“Nous avons vu combien les arguments contre l’écriture et la typographie inclusives ne sont basés que sur des normes hétéro-patriarcales et conservatrices, qui refusent toute évolution pouvant nuire à la domination masculine, dans un monde validiste. De la même façon, celle·ux qui se préoccupent des difficultés de lecture des personnes en situation de handicap face à l’écriture inclusive ne semblent pas s’inquiéter de la dé-conjugalisation de l’allocation aux Adultes Handicapés (AAH) ou de la réduction des normes PMR. S’il existe une solution pour rendre inclusive et accessible la typographie, c’est de la laisser entre les mains des personnes exclues et qui n’ont pas accès aux codes de lecture normatifs, pour qu’elles nous racontent un monde où elles ne seront désormais plus laissées à la marge.”

Je ne peux qu’être en accord avec son propos !

Stop à la récupération

“58 % des Français estiment qu'il faut interdire l'écriture inclusive à l'université” titre un journal d'extrême droite en se basant sur une étude ayant posé la question “Faut-il interdire l’écriture inclusive à l’université”. Le problème de ce type de question est qu’il pose une question sans définir ce qu’est l’écriture inclusive. Au vu du manque de contexte et de connaissance des personnes du sujet (dû notamment à son traitement médiatique), les répondantes et répondants ont sans doute répondu à la question “Faut-il interdire le point médian à l’université ?” Ce qui est totalement différent de faut-il “interdire la féminisation des noms de métier et grades, des formulations épicènes et englobantes, la double flexion et le point médian ?” Un grand exemple de probité (ironie) !

“L'écriture inclusive est-elle néfaste pour les dyslexiques ?” est le type de titre d’articles que l’on trouve régulièrement dans une certaine presse. Dans cet article que je invite à ne pas lire (pour votre santé mentale), nous retrouvons beaucoup de bêtises dont une définition totalement fausse de l’écriture épicène.

Il y a de nombreux articles et publications du même genre. Ça ne serait pas grave, s'ils ne véhiculent pas avec autant d’aplomb, autant de bêtises. Et surtout s'ils ne se servaient pas des problématiques d’accessibilité à des fins idéologiques, qualifiant l’écriture inclusive de “péril mortel”, de « lubie », d’une « offense à la langue » ou encore d’une « arme de guerre ». En 2021, l’ex ministre de l’éducation national, Jean-Michel Blanquer déclarait  mettre des points au milieu des mots est un barrage à la transmission de notre langue pour tous, par exemple pour les élèves dyslexiques. Cette déclaration lui a valu de nombreux commentaires comme Si le seul moment où vous vous préoccupez de la dyslexie, c'est pour l'utiliser comme argument contre l'écriture inclusive, c'est que vous n'en n'avez en fait rien à foutre de la dyslexie. Et ça se voit.. La journaliste Guilia Foïs lui également a répondu dans cette super chronique.

 Si l’inclusion est une promesse, l’exclusion reste aujourd’hui la règle dans les écoles françaises avec ou sans point médian ”.

Enfin, les membres du réseau d’Études HandiFéministes (REHF) ont déclarées  Il est problématique que des personnes non concernées ne consultent pas ou s’expriment à la place des personnes concernées par le validisme [et] ne considèrent pas la pluralité des discours sur ces débats déclare Le réseau qui a d'ailleurs publié un billet Contre la récupération du handicap par les personnes anti écriture inclusive

“Les membres du Réseau d’Études HandiFéministes (REHF), concernées pour la plupart par le sexisme et le validisme et chercheurses à l’université ou ailleurs, exprimons aujourd’hui notre désaccord et dénonçons la récupération du handicap pour justifier des positions anti écriture inclusive, par des personnes généralement concernées ni par le sexisme, ni par le validisme. Au nom de la cécité, de la dyslexie ou de la dyspraxie, certain-e-x-s s’opposent à l’usage et au développement de l’écriture inclusive. Pour le REHF, il s’agit d’un argument doublement fallacieux.”

C’est toute cette récupération qui m’a poussée à écrire cette série d'articles. J’ai essayé de les écrire en me documentant au maximum pour éviter de tomber dans les biais de confirmation. En cherchant des sources, en les croisant, en lisant des publications scientifiques (et notamment 10 fois la même phrase pour pouvoir la comprendre). Je voulais répondre à toutes ces personnes qui se servent de nous, les dyslexiques. Ces personnes qui opposent féminisme et handicap, se nourrissant de validisme !

Vous avez le droit de ne pas aimer le point médian, de ne pas en faire usage. Comme nous l’avons vu, il existe d’autres manières de ne pas exclure dans nos écrits et formulations. Il ne s’agit que d’habitudes à prendre, de questionner nos habitudes, de les changer.

D’évoluer !