C’est un problème, surtout pour les autres

J’aime beaucoup les enfants, ceux de mes ami·es, ceux que je croise, ceux des autres. Mais moi, Cécile, je n’en veux pas.

D’où je pars ?

Je suis une femme née femme. Je vais bientôt avoir 32 ans, j’ai un travail, en CDI plutôt bien payé. J’aime mon métier (parfois moins mon travail, mais c’est une autre histoire). Je suis française, blanche, hétérosexuelle, sans problèmes de santé (à ma connaissance). Bref, je suis tout ce qui a de plus dans la norme.

Je suis une femme mais je ne veux pas d’enfant.

Et c’est un problème.

Enfin pas pour moi. Pour les autres.

Enfin si, un peu quand même pour moi. À cause des autres justement.

Je suis une femme et je ne veux pas d’enfant.

Et j’ai osé le dire, le revendiquer.

La première fois, en étant une jeune ado. J’ai osé le dire: “je ne veux pas d’enfant quand je serai grande”. On m’a alors rétorqué “tu verras tu changeras d’avis en étant plus grande”.

Puis les années ont passé et j’ai continué à le “je ne veux pas d’enfant”. Et toujours la même rengaine “tu verra tu changera d’avis”.

je suis une femme et je ne veux pas d’enfant et c’est un problème.

Déjà pourquoi ne voudrais-je pas d’enfant ? Après tout je suis une femme, il parait que je suis programmé pour devenir mère, pour donner la vie, assurer l’avenir (et aider à l’équilibre de notre systeme social).

Il y a beaucoup de raisons à ça, mais elles n’ont pas d’intérêt dans mon propos. Car non, je ne veux pas d’enfant. Je n’ai pas à me justifier. Que se passe-t-il si je donne la mauvaise justification à la mauvaise personne ? On me rétorque qu’elle n'est pas suffisamment valable car A, B, C ou D.

Je suis une femme et je ne veux pas d’enfant. Et j’ai décidé de me faire ligaturer les trompes. Se faire ligaturer les trompes est un choix “radical”. C’est se faire découper, voir son corps altérer. Mais c’est surtout beaucoup de violences.

La violence de l’entourage qui ne comprend pas.

La violence des médecins qui ne veulent pas.

Et même la violence des médecins qui acceptent mais qui ne peuvent pas : “j’espère que vous y arriverez mais je vous souhaite beaucoup de courage car c’est un parcours long et compliqué”.

La violence de l'entourage, c’est celle des personnes qui ne comprennent pas et qui le font valoir, qui me font culpabiliser de leurs enlever quelque chose à eux.

Quand j’ai enfin osé verbaliser mon envie de faire ce que j’appelle “la grande opération couic-couic”, j’étais préparé à cette violence. 10 années à me préparer mentalement à le dire oralement. Je ne sais pas si beaucoup de personnes ont maturé un projet aussi longtemps sans jamais le verbaliser…

J’ai pris la violence comme elle vient, parfois bien, parfois mal. Parfois avec dépit, souvent avec souffrance.

Mais au milieu de cette violence, il y a également de la compréhension, de l’écoute, du non jugement, de la gentillesse. De l’espoir.

Je suis une femme et je me fais ligaturer les trompes. Et je suis heureuse de le faire !